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Kurier Nr 150, VI Dni Naukowe Institut Psychanalytique de l’Enfant “Seksuacja Dziecka”

 

Argument

par

Laura Sokolowsky et Hervé Damase

 Comment le sexe vient-il aux enfants ? Serait-ce un mystère de la nature ?

Être fille ou être garçon ne semble pas aller de soi à l’époque dutrouble dans le genre. Une tendance actuelle met en question la différence sexuelle comme idéologiesocialement dépassée. « Fille ou garçon » paraît l’alternative à laquelle il s’agit d’échapper car celle-ci inscrirait le sujet dans une destinée toute tracée, sans place pour la surprise.Ainsi, le héros de manga joue sur la transformation permanente, passant d’un pôle à l’autre duspectre sexué pour incarner la nouvelle figure idéale à laquelle l’enfant s’accroche pour illustrer ceflottement auquel son être est confronté. Au diable le rose et le bleu, vive l’arc-en-ciel ! La fluiditédes genres serait-elle une nouvelle norme tendant à s’imposer au nom d’une liberté de chacun àchoisir son propre sexe ?Si la vulgate d’un standard œdipien – identification au parent du même sexe – ne tient plus la routeface à l’impasse du sexuel, comment se repérer dans ce nouveau dédale du hors-sexe ? La modevestimentaire de l’unisexe et la dénonciation du sexe d’assignation suffisent-elles à donner plus demarge de manœuvre aux enfants dans le choix d’une position sexuée ? L’expérience freudienne infantile

Freud a montré que l’expérience infantile était fondée sur deux axes :d’une part, les pulsions partielles, d’autre part, la comparaison imaginaire des corps. La perceptiondes organes génitaux de l’autre emporte des conséquences décisives. La découverte de la castrationmaternelle est traumatique car si sa mère est châtrée, le garçon se met à croire à la castration. Deson côté, la fille se perçoit comme privée dans son corps et cela l’incite à masquer, nier oucompenser cette privation. Pour Freud, la référence au corps est omniprésente car le phallus est unsignifiant localisé sur le corps sexué. Cette rencontre constitue pour chacun, fille ou garçon, unmoment de crise.Le modèle freudien est toujours d’actualité puisqu’il s’agit pour l’enfant de prendre position : il doitinventer sa solution avec les moyens dont il dispose. Que se passe-t-il lorsqu’il grandit dans unefamille monoparentale ou que celle-ci s’avère fondée sur un lien homosexuel ? Aujourd’hui, le petitHans de Freud trouverait-il une solution différente que sa phobie des chevaux pour traiter lajouissance de ses premières érections, dont il ne sait quoi faire ni penser ? Les symptômes infantilesévoluent-ils en fonction des discours contemporains ?

L’anatomie n’est pas le destinLacan a tenu compte des dernières élaborations freudiennes concernant la sexualité féminine : lacastration ne doit pas être comprise comme la voie nécessaire chez une femme. La sexuation nedépend pas du réel biologique, les ambiguïtés génitales de nature organique ne déterminent pasl’assomption subjective du sexe. En posant que tout sujet doit se débrouiller avec l’existence deslogiques féminine et masculine ainsi qu’avec le corps qu’il a, Lacan a libéré la psychanalyse de lacontrainte selon laquelle l’anatomie, c’est le destin.La clinique analytique révèle pour sa part que les identifications infantiles ne coïncident pasnécessairement avec les nominations qui proviennent de l’Autre. Il arrive qu’un garçon se senteféminin, plus proche de sa sœur que de son frère ou de son père. Et qu’une fille aspire à devenirgarçon en rejetant certains signes associés au féminin.Ces identifications infantiles préjugent-elles du devenir sexué ? À quel moment et de quelle façon lesenfants font-ils le choix d’une position sexuée et d’un mode de jouissance ? Les symptômes actuelsqui conduisent les enfants en analyse sont-ils liés au choix problématique de l’identité sexuée ?

Distinction ou sexuation ?

Lacan souligne que c’est l’adulte qui opère une distinction entre lapetite bonne femme et le petit bonhomme en fonction de critères dépendants du langage. Or ceuxqui distinguent ont eux-mêmes fait un choix de jouissance ; ils incarnent une position antérieurequant à la sexuation.La novlangue actuelle préconise l’usage du neutre aux fins d’éviter toute discrimination entreféminin et masculin. Ce projet qui consiste à désexualiser la langue par l’effacement des genresgrammaticaux ou l’emploi du langage dit épicène n’aide pas les enfants à s’affranchir des préjugéset idéaux qui pèsent sur eux. Dans l’institution familiale comme dans tous les autres lieux d’enfance,les adultes doivent s’en déprendre pour permettre aux enfants de s’affronter, à leur façon, à laquestion du choix sexué inconscient. La pratique en institutions spécialisées, que cela soit dans ledomaine sanitaire ou social, se situe aux avant-postes de cette réflexion, l’enseignement que nouspouvons en extraire est crucial.Entre parole et silenceLa sexuation féminine se spécifie de n’être pas toute soumise à la castration : une division s’yeffectue entre la jouissance phallique et la jouissance de l’Autre, aussi désignée par Lacan commejouissance supplémentaire. Celle-ci s’avère fondée sur la jouissance de la parole puisque le lienamoureux se soutient d’un Autre qui parle.Ainsi, le bavardage des enfants, auxquels il est souvent demandé de se taire pour apprendre, prend-il sa source dans la position sexuée qui consiste à jouir de la parole. À l’inverse, que pouvons-nousdire des enfants silencieux : ne sont-ils pas aux prises avec une autre modalité de jouissance quicourt-circuite la parole, d’être causée par un objet pulsionnel, toujours le même ? La dissymétriesexuée à l’égard de la jouissance se décèle parfois précocement, il convient d’y être attentif. La failledu sexuel est au fondement de notre clinique.Cette journée sera une source inégalée d’enseignement épistémique et clinique pour celles et ceuxqui analysent, éduquent et soignent les enfants en recueillant leur parole, à l’époque de la mise enquestion de l’œdipe et de la mise en valeur de la castration qu’opère la prise du langage sur les corps.